Les écoles d’art face à l’intelligence artificielle
Il ne faut pas que les élèves soient en retard
En première ligne face au développement rapide des intelligences artificielles, professeurs et étudiants cherchent à intégrer ces évolutions à leur pratique de manière positive.
Introduction
Si l’IA bouscule la création visuelle, elle a aussi une répercussion sur la formation. Car tout le monde s’interroge : quid de demain ? Comment travailleront les futurs créateurs ? Plusieurs écoles s’adaptent déjà pour donner aux élèves des outils techniques et critiques. A l’Esad Orléans par exemple, le programme de recherche «Edition, média, design : Expanded Publishing, quand les datas deviennent formes», dirigé par Emmanuel Cyriaque, travaille sur les intelligences artificielles (IA). Une douzaine d’étudiants, formés par un discours critique sur le «machine learning», se sont ainsi familiarisés avec Dall-E 2 et Midjourney pour raconter une histoire en créant un jeu de cartes. En Suisse, l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (Ecal), qui forme photographes, designers, directeurs artistiques, graphistes, est consciente que certains métiers de la chaîne de production visuelle vont être touchés, comme lors de la transition de la photo argentique au tout numérique.
«Potentiel créatif de ces technologies»
«Il est impossible d’arrêter ces progrès, et il y a urgence à redéfinir notre rôle économique et créatif dans ces processus pour que nous puissions rester les acteurs de nos images», explique le directeur de la photographie à l’Ecal, Milo Keller. Ce dernier pointe qu’il existe déjà des entreprises qui proposent des portraits photoréalistes générés par IA – un manque à gagner pour photographes et mannequins. L’Ecal s’est donc très vite emparée de ces problématiques avec le programme «Automated Photograph» en 2021 à l’origine de textes et d’une exposition. «L’intelligence artificielle est partout, et elle opère automatiquement à plusieurs niveaux : de nos smartphones aux derniers filtres de Photoshop, poursuit Milo Keller. Aujourd’hui, l’étude des fondamentaux de la photographie doit s’accompagner d’une prise de conscience du fonctionnement des outils basés sur l’IA. Des applications courantes aux programmes moins connus comme Runway ML ou Playform, ce n’est plus nécessaire de savoir coder pour accéder aux fonctionnalités du machine learning.» Il s’agit aussi de ne pas passer à côté du «potentiel créatif de ces technologies».
Aux Gobelins à Paris, l’équipe pédagogique forme les étudiants à se saisir des générateurs afin de «se faire une place» aux côtés des machines, d’être des «acteurs» dans cette révolution numérique. L’objectif de l’école est surtout d’apprendre à s’en affranchir. Car «comment faire pour que les IA n’imposent pas des thématiques et des styles ?» s’interroge Yann Philippe, enseignant, photographe et retoucheur. «On est face à un énorme changement de paradigme dans la création visuelle. Il ne faut pas que les élèves soient en retard. Ils doivent apprendre à travailler avec des informaticiens, des codeurs, des spécialistes d’effets spéciaux pour créer des outils sur mesure. On crée des ponts avec la réalité augmentée, le motion design. Et la vidéo arrive bientôt.»
«L’IA ne fera pas le distinguo»
Toujours selon Yann Philippe, les métiers de post-production vont être très affectés par l’IA. En premier lieu, le métier de retoucheur de photos beauté, dans le luxe notamment. Ce qui demande aujourd’hui trois heures de travail à un retoucheur sur une image ne prendra plus que dix secondes… Mais ces nouveaux outils poseront aussi des problèmes d’éthique : «Nous n’aimons pas enlever des cicatrices, explique Yann Thomas. L’IA ne fera pas le distinguo entre un poil, un point noir, une cicatrice et une rougeur.» En janvier, les élèves des Gobelins devront mêler des images d’IA avec leurs propres photos. Et s’en inspireront pour faire de vraies photographies. Les leurs. Toujours avoir le dernier mot après la machine.
Article source : Les écoles d’art face à l’intelligence artificielle : «Il ne faut pas que les élèves soient en retard»
Publié sur Libération par Clémentine Mercier le 29 décembre 2022
L’IA peut-elle créer de l’art ?
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Une petite anecdote en passant :
La première souris a été construite en 1964 et était en bois.
Il a été conçu par l’ingénieur Douglas Engelbart et avait la forme d’une boîte un peu encombrante. Avait-il la fameuse « boule » que portaient les anciennes souris ?